COMMENT L’AUSTÉRITÉ TUE L’EUROPE11 janvier 2012 · par Bao · in Géoéconomie.
par Jeff Madrick pour New York Review of Books
« Nous sommes confrontés à une théorie économique datant d’avant la grande dépression des années 1930. Comment l’UE peut-elle à ce point mésinterpréter les leçons de l’histoire et traiter avec mépris les enseignements de John Maynard Keynes ? » constate Jeff Madrick, dans cette tribune publiée par la New York Review of Books, où il passe en revue l’échec des politiques de rigueur menées en Grande Bretagne, en Irlande et en Espagne. En ignorant l’enseignement de Keynes, en imposant l’austérité en temps de crise, « les décideurs européens ne vont pas résoudre la crise financière mais l’aggraver, et des millions de personnes auront à en souffrir inutilement, » se désole-t-il.
Le 31 janvier 2011, le Wall Street Journal titrait : « L’Espagne rate son objectif de réduction du déficit et décide de coupes budgétaires. » Des forces impitoyables, libérées par une piètre logique économique, sont à l’œuvre en ce début de nouvelle année. L’Union européenne est devenue la proie d’un cercle vicieux où l’augmentation de l’endettement conduit à des mesures d’austérité radicales, qui à leur tour affaiblissent davantage la conjoncture économique et donnent lieu à de nouvelles décisions de coupes dans les dépenses publiques – encore plus dommageables – et de relèvement des impôts. La crise de la dette européenne a commencé avec la Grèce, et l’économie du pays reste à ce jour la plus durement frappée de l’Union européenne. Mais cette crise s’est inexorablement étendue à l’Irlande, au Portugal, à l’Italie puis à l’Espagne, et elle menace même la France, et éventuellement, le Royaume-Uni. Cela n’aurait pas du être le cas. Nous aurons rarement vu un exemple aussi frappant des conséquences de la mise en œuvre de conceptions économiques aussi médiocres – et sans doute perverses.
La grave récession de 2009 qui a débuté aux Etats-Unis, puis s’est propagée à travers l’Europe, a ces deux dernières années mis en difficulté les budgets des pays européens les uns après les autres. Avec pour conséquence les pressions exercées par l’UE sur le Portugal, l’Irlande, l’Espagne et l’Italie pour diminuer les dépenses publiques et augmenter les impôts afin de réduire leurs déficits, s’ils voulaient être éligibles pour un renflouement. Tous l’ont fait. L’Irlande et le Portugal ont fortement réduit leurs dépenses et doivent encore le faire de plusieurs dizaines de milliards d’euros pour se conformer à ces exigences, tout comme la Grèce avait évidemment dû le faire.
Les partisans de l’austérité affirment que lorsque les Etats assainiront leurs finances le monde des affaires sera rassuré sur la stabilité des taux d’intérêt et que la croissance reviendra. Leur raisonnement a été encouragé par les marchés financiers, qui ont fait grimper les taux sur la dette grecque, puis rapidement sur celle du Portugal, de l’Espagne et de l’Italie. Les acquéreurs de ces obligations ont exigé des rendements suffisamment élevés pour compenser le risque, au cas où ces nations ne seraient pas en mesure d’honorer leurs dettes.
Nous sommes confrontés à une théorie économique datant d’avant la grande dépression des années 1930. Comment l’UE peut-elle à ce point mésinterpréter les leçons de l’histoire et traiter avec mépris les enseignements de...
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