LA RESPONSABILITE PENALE DU CHEF DE L’ETAT ET DES MEMBRES DE GOUVERNEMENT
Auteur : Olivier Beaud
La responsabilité pénale du chef de l'Etat et des membres du gouvernement est aujourd'hui régie par plusieurs articles de la Constitution de la Vème République. Composant le titre IX (« De la Haute Cour de justice »), les articles 67 et 68, issus de la loi constitutionnelle du 23 février 2007, régissent la question de la responsabilité pénale et politique du Président de la République tandis que les articles 68-1 à 68-3, issus de la loi constitutionnelle du 27 juillet 1993, traitent de « la responsabilité pénale des membres du gouvernement » (Titre X). Ces deux révisions témoignent de l'importance prise par un sujet – le statut pénal des gouvernants- qui, il y a cinquante ans, lors de la naissance de la Vème, n'attira guère l'attention des constituants. L'article 68 initial traitait, à lui seul - dans un titre unique consacré à la Haute Cour de justice - , de ces deux questions ; le second alinéa était consacré à la responsabilité pénale des membres du gouvernement pour leurs actes « commis dans l'exercice de leurs fonctions » tandis que le premier alinéa visait exclusivement le chef de l'Etat: « Le Président de la République n'est responsable des actes accomplis dans l'exercice de ses fonctions qu'en cas de haute trahison. [....] » ce qui ne faisait qu'aménager la formule de l'article 42 de la Constitution de 1946. La formule très restrictive du texte doit s'interpréter comme fixant un principe d'irresponsabilité (politique et pénale) du Président, assorti d'une exception rituelle, la responsabilité politico-pénale pour faits de haute trahison, d'où découlait la compétence de la Haute Cour. Cet article 68 (ancien) illustrait, selon nous, la survivance dans le texte constitutionnel, d'une sorte de justice politique récurrente dans l'histoire constitutionnelle française. Une telle justice est mise en œuvre, seulement dans des cas exceptionnels (par ex. le procès de Laval et de Pétain et des ministres de Vichy par la Haute Cour de la Libération nationale) et selon des procédures dérogatoires au droit pénal commun.
I - Depuis 1958, l'évolution qui s'est produite a porté aussi bien sur le statut pénal des membres du gouvernement que sur celui du chef de l'Etat. Elle a consisté à éliminer toute trace de justice politique afin de construire un système de responsabilité pénale plus conformes aux canons du constitutionnalisme. Si l'on procède chronologiquement, il convient d'étudier d'abord la loi constitutionnelle du 27 juillet 1993 qui a instauré la Cour de justice de la République (CJR), en lieu et place de la Haute Cour, pour juger les membres du gouvernement. L'origine de cette révision est circonstancielle ; il a fallu réviser la Constitution pour être en mesure de juger les membres du Gouvernement impliqués dans l'affaire du sang contaminé car la Haute Cour avait jugé qu'il y avait lieu à prescription pour les délits concernés (5 février 1993). C'est ce qui explique la présence de l'article 68 al.3 prévoyant explicitement la compétence de la CJR pour juger des faits commis avant l'entrée en vigueur de la...
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